Passer au contenu

La pénurie de moutarde dans les rayons va durer jusqu'en 2024 selon le PDG de Reine de Dijon

Par

On n'a jamais autant parlé de moutarde de Dijon que depuis cet été 2022. Pénurie, hausse des prix, théorie du complot. On fait le point avec le PDG de Reine de Dijon, troisième producteur français de moutarde installé à Fleurey-sur-Ouche, près de Dijon.

Les différentes moutardes produites par Reine de Dijon Les différentes moutardes produites par Reine de Dijon
Les différentes moutardes produites par Reine de Dijon - Reine de Dijon

La moutarde est un produit emblématique de la Côte-d'Or. Mais depuis quelques mois, son prix aussi atteint des cotes d'or. Nombreux sont ceux désormais qui considèrent que la moutarde est passée du statut de produit de grande consommation à celui de produit de luxe. La pénurie de graines de moutarde, à la base de sa fabrication, engendre une pénurie de pots de moutarde dans les rayons des supermarchés et mathématiquement une hausse des prix de vente. Complot ? Réalité ? Quelles conséquences ? Entretien avec le PDG de Reine de Dijon, Luc Vandermaesen, troisième producteur de moutarde.  

loading
Luc Vandermaesen, PDG de Reine de Dijon
Luc Vandermaesen, PDG de Reine de Dijon - Reine de Dijon

Luc Vandermaesen, vous avez le sentiment aujourd'hui de diriger une entreprise de produits de luxe ? 

Non, pas encore. La moutarde reste un produit très, très bon marché. Le prix a un peu augmenté effectivement et va continuer à augmenter. Mais on n'est pas encore dans le produit de luxe, malheureusement. 

Plus sérieusement, on parle depuis des mois de pénurie de moutarde et on voit les prix flamber. Est ce qu'elle existe vraiment cette pénurie ? 

Oui, tout à fait. La pénurie est une réalité. Ça concerne principalement la moutarde de Dijon, parce qu'elle est fabriquée avec des graines brunes qui ne sont pas les mêmes que les graines qu'on utilise dans les autres pays du monde. En fait, en France, on fait de la moutarde de Dijon et cette graine brune a manqué à cause du dôme de chaleur au Canada en 2021 et à cause de la mauvaise récolte en Bourgogne également en 2021, là pour des raisons d'humidité et de gel les 7, 8 et 9 avril 2021. 

Concrètement, pour Reine de Dijon, est ce que ça vous a obligé à monter les prix ? 

Oui, on a monté les prix parce qu'on nous a augmenté nos coûts d'achat, on a dû payer la graine plus chère. Donc on a répercuté ces hausses. Mais effectivement, dans des mesures encore raisonnables, compte tenu du prix auquel étaient vendus les pots de moutarde l'année dernière. 

Cette augmentation est de quel ordre ? 

Elle est variable suivant la taille des pots. On ne peut pas donner de chiffres très très précis, mais dans certains cas, on peut aller jusqu'à +30% voire +50%. 

La moutarde de Dijon "Reine de Dijon" est produite à partir de graines de moutarde de Bourgogne
La moutarde de Dijon "Reine de Dijon" est produite à partir de graines de moutarde de Bourgogne - Reine de Dijon

Selon vous, combien de temps va t il falloir encore attendre pour retrouver des prix normaux sur le marché ?

Je pense qu'il va falloir attendre au moins jusqu'en 2024. Ça va être relativement long parce qu'on sait déjà que la prochaine récolte, autrement dit celle qui est en cours est commercialisée à des prix qui sont beaucoup plus élevés que ce qu'on a connu auparavant. Ce qui est important, c'est de voir que cette pénurie va se régler quand les récoltes arriveront dès le mois d'octobre 2022. Donc dans quelques semaines, la situation va s'améliorer parce qu'on va pouvoir enfin utiliser la graine de Bourgogne qui a déjà été récoltée mais qui est en cours de nettoyage. En revanche, la récolte canadienne n'arrivera, elle, dans nos usines que vers le mois de décembre. 

Vous parlez de la filière bourguignonne. Est ce que la production est suffisante ? Est ce qu'elle a augmenté ?

Tout à fait. Il y a beaucoup plus d'agriculteurs qui se sont mis à cultiver la graine de moutarde, mais qui vont le faire à partir de l'automne 2022, donc pour une récolte à l'été 2023 et qui sera utilisée dans nos usines fin 2023 et courant 2024. Là, il y a une très forte augmentation puisqu'il y a une multiplication par 2,5 de la surface ensemencée. On espère évidemment que ça va nous donner une plus grande capacité à répartir les risques. 

Vous savez déjà si la récolte a été bonne cette année ? 

Oui, la récolte a été très bonne en 2022. En Bourgogne, on a 50% de graines en plus par rapport à 2021, donc c'est bien. Mais ce sera insuffisant malgré tout pour répondre à la totalité des besoins du marché. 

"Reine de Dijon" produit combien de tonnes de moutarde par an ? 

Je ne peux pas vous donner le chiffre de cette année car je ne le connais pas encore, mais d'habitude on était plutôt autour de 16. 000 tonnes de moutarde. Cette année, ce sera évidemment un peu moins, compte tenu de cette pénurie. Et on utilise, nous, la graine de moutarde de Bourgogne pour notre marque Reine de Dijon exclusivement. On utilise évidemment aussi de la graine canadienne pour d'autres produits. 

Quelles sont vos perspectives pour ces prochains mois ? C'est d'augmenter cette production ? 

Tout à fait. On est en soutien total de la filière puisqu'on envisage de doubler dans un premier temps nos achats de graines de Bourgogne et puis ensuite, éventuellement, d'aller encore plus loin. On en a acheté déjà beaucoup, mais on n'était pas livré à hauteur de nos commandes. C'était ça le problème. 

Au niveau du chiffre d'affaires, vous arrivez finalement à avoir quand même une stabilité ou il est en baisse cette année ? 

Non. L'augmentation des prix a fait que ce qu'on a perdu d'un côté, avec la baisse du volume, on l'a récupéré avec les prix qui ont augmenté. Notre chiffre d'affaires est plutôt stable, voire en légère croissance. Mais on ne fait pas que de la moutarde dans notre entreprise. On fait également des sauces condimentaires froides. Cette activité a été beaucoup moins impactée par la pénurie, évidemment. 

Pour avoir une idée, il s'élève à combien ?  

L'entreprise fait un peu plus de 50 millions d'euros de chiffre d'affaires. Quand on avait des problématiques d'arrêt ou de ralentissement des lignes, on utilisait les salariés sur d'autres lignes. On les a tous gardés, on n'a pas eu recours au chômage partiel parce qu'on tient vraiment à garder notre savoir faire. C'est compliqué. On apprend, on a formé des gens et ça, c'est important pour nous de rester dans cette démarche. Donc pour l'instant, il n'y a pas eu d'impact du tout pour les salariés. 

Reine de Dijon emploie combien de salariés ? 

165 actuellement. C'est une belle taille, surtout qu'il y a 25 ans, on était 23. Donc c'est une belle croissance. 

Un mot sur les marchés ? Vous exportez beaucoup ? 

Nous exportons dans 55 pays environ. Les années antérieures, l'export, c'était 55% de notre activité dans l'activité moutarde. Cette année, c'est beaucoup moins. Ça a diminué parce qu'en fait, on a moins vendu à l'exportation, parce qu'on a essayé de privilégier le marché français qui avait vraiment besoin de moutarde. Néanmoins, on a essayé de ne pas perdre nos clients et de rester en position de satisfaire les demandes à l'avenir. 

L'usine de production de la moutarde "Reine de Dijon" le long de l'A38 près de Dijon
L'usine de production de la moutarde "Reine de Dijon" le long de l'A38 près de Dijon - Reine de Dijon

Pourquoi trouve t'on de la moutarde dans les supermarchés à l'étranger ? 

Sur les réseaux sociaux, il n'est pas rare de trouver des messages laissant penser que la pénurie de moutarde en France est organisée. Des vacanciers photographient en effet des rayons de supermarchés où les pots de moutarde sont pleins à craquer et les prix sont inchangés. Les consommateurs français seraient ils donc les victimes d'un complot des fabricants pour s'enrichir ? L'explication est évidemment tout autre.  

"A l'étranger, les consommations de moutarde de Dijon sont relativement faibles. Il y a d'autres moutardes et la plupart fabriquées à base de graines jaunes qui étaient présentes en abondance. Les moutardes de Dijon qui sont exportées, le sont en fait en petite quantité. Et même si on avait rapatrié en France toutes les moutardes vendues en Espagne et au Portugal, ça aurait servi à une semaine de vente dans les rayons français. En France, on consomme un kilo de moutarde par an et par habitant. Ce sont de grosses consommations à côté de ce qu'on consomme dans les pays étrangers. C'est la raison pour laquelle on pouvait voir des produits à l'étranger alors qu'il y en avait pas en France. Il n'y a aucun complot. Et la pénurie, je le confirme, elle est réelle. Et quand on voit, comme cet été, des vidéos montrant des palettes en stock, ce sont des palettes qui sont livrées par camions complets. Mais une livraison de ce type, ne représente que quelques jours de vente dans des hypermarchés français." explique Luc Vandermaesen.  

loading

Ma France : Améliorer le logement des Français

Quelles sont vos solutions pour aider les Français à bien se loger ? En partenariat avec Make.org, France Bleu mène une consultation citoyenne à laquelle vous pouvez participer ci-dessous.

undefined