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Avec la JDA Handball, briser le "tabou" des cycles menstruels dans le sport de haut niveau

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"Ça peut être compliqué d'en parler à l'approche d'un match important". Jeudi 6 avril 2023, Manon Gravelle et Manuella Dos Reis, joueuses de handball de la JDA Dijon (D1), ont participé à une conférence sur le tabou des règles dans le sport de haut niveau.

Les joueuses de la JDA Dijon Manon Gravelle (à gauche) et Manuella Dos Reis (à droite) ont participé à la conférence Les joueuses de la JDA Dijon Manon Gravelle (à gauche) et Manuella Dos Reis (à droite) ont participé à la conférence
Les joueuses de la JDA Dijon Manon Gravelle (à gauche) et Manuella Dos Reis (à droite) ont participé à la conférence © Maxppp - Nicolas Goisque

Comment concilier la pratique du sport, et plus particulièrement du sport de haut niveau, et les cycles menstruels des joueuses ? La question était au cœur d’une conférence jeudi 6 avril 2023, à la Salle Multiplex de l’Université de Bourgogne, à Dijon, devant une cinquantaine d’étudiants. Une journée à l'initiative de la Ligue féminine de handball (et de son partenaire Lidl), en présence de deux joueuses de la JDA Dijon Handball : l'arrière Manon Gravelle et la gardienne Manuella Dos Reis.

Pour que les règles ne soient plus un tabou au sein des clubs

Première constatation des joueuses : il n'est pas toujours facile de parler des cycles menstruels. Pas entre elles, dans le vestiaire, mais plutôt avec l'encadrement, l'entraîneur et ses adjoints. "Ça peut être compliqué d'en parler à l'approche d'une compétition ou d'un match important, reconnaît Manon Gravelle. On doit être concentrées sur certaines choses, ça peut paraître un peu tabou de venir à ce moment-là et de dire 'je ne me sens pas bien aujourd'hui, j'ai besoin de me reposer"'.

"Il y a un tabou", confirme Manuella Dos Reis. Même si c'est plus facile à dire qu'à faire, pour elle, en cas de douleurs ou de fatigue par exemple, les joueuses devraient davantage oser en parler et ne pas s'auto-censurer. "On doit se dire que c'est permis, se permettre d'aller voir le coach, et je pense que ce sera bien reçu, préconise la gardienne. C'est cet aspect qui doit avancer, pour permettre aussi aux coachs de se dire "on est au point là-dessus". Et ils pourraient être surpris et se dire : "Ah, mais je ne pensais pas que mes joueuses avaient mal au ventre ou se sentaient mal et qu'elles n'osaient pas en parler". Elle suggère une réunion commune, staff technique, staff médical et joueuses, pour que la parole soit plus facile et plus libre.

"Assez rapidement, nos entraîneurs étaient d'accord quand on leur a dit : "le short blanc, c'est mort"

Pour les joueuses, en plus de tout l'aspect sportif, les cycles menstruels sont une donnée supplémentaire à gérer. "J'ai un flux important, donc il faut que je calcule pour changer de protection en fonction du début de l'échauffement et du match. Ou à la mi-temps d'un match. Le jour où on pourra avoir nos règles et jouer, sans l'avoir dans un coin de nos têtes, ce sera le top du top, on aura vraiment avancé" , détaille Manuelle Dos Reis, qui met aussi en avant les conséquences des règles sur "le moral" et les difficultés "pour accepter la critique" .

Lever les non-dits autour des règles, cela passe aussi par le choix des tenues. Si les handballeuses de la JDA ne jouent jamais avec un short blanc, ce n'est pas un hasard, c'est une demande. Quand elles ont reçu leurs tenues en début de saison, les joueuses de la Jeanne avaient un short violet ... et un short blanc. "Assez rapidement, nos entraîneurs étaient d'accord quand on leur a dit : "le blanc, c'est mort". C'est bête, mais quand on a nos règles, on n'a pas envie pendant un match de se dire "Oula, j'ai mes règles, mon short est blanc ...", relate Manon Gravelle. On doit être concentrées sur nos performances, et on ne veut pas que des petites choses comme ça ne viennent nous perturber".

Des entraînements adaptés en fonction des joueuses ?

Selon une étude du Ministère des sports en 2021, 53% des blessures aux ligaments croisés du genou interviennent chez les sportives juste avant ou pendant la période des règles. "C'est énorme, ça pousse d'autant plus à se poser certaines questions, et se dire est-ce qu'on ne pourrait pas prévenir certaines blessures? Être un peu plus à l'écoute de tout ça, pour prévenir ?", se questionne Manon Gravelle, victime dans le passé de ce type de blessure.

Prévenir et donc adapter les entraînements. "Sur la musculation notamment, peut-être décharger. Par exemple quand j'ai mal au dos, on va me dire : "sur cet exercice, va doucement". Et bien peut-être se dire : "cette semaine j'ai des douleurs liées à mes règles", et adapter la charge d'entraînement, imagine Manon Gravelle. Je sais que des joueuses, le premier ou deuxième jour de leurs cycles menstruels, sont pliées en deux. Si c'est possible, être attentif à ça, parce qu'une fille qui vient s'entraîner alors qu'elle est pliée en deux, ça ne sert à personne. Tu n'es pas concentrée, tu n'es pas bonne".

Sa coéquipière Manuelle Dos Reis a une idée, pour que l'encadrement puisse suivre le rythme et les cycles des joueuses : "Pourquoi pas une petite grille, pour chaque joueuse, pour savoir comment elle fonctionne. Pas forcément avec le cycle exact, mais que les joueuses soient libres d'en parler si pendant un cycle ça va un peu moins".

Bientôt des distributeurs avec des protections hygiéniques au Palais des sports de Dijon

D'ici la fin du mois de mai, chaque club de hand de D1 va organiser une journée sur ce thème, avec des ateliers de sensibilisation. Cette étape à Dijon est la cinquième pour la Ligue féminine de handball. Mais la LFH ne veut pas s'arrêter-là. À partir de septembre, les clubs vont installer des distributeurs (gratuits) de serviettes et de tampons - ce sera le cas au Palais des sports de Dijon, à priori directement dans la salle et pas uniquement dans les vestiaires. Les distributeurs seront remplis par le distributeur et partenaire de l'institution, Lidl.

D'autres projets sont en préparation, comme des formations pour les entraîneurs, masculins ou féminins, "pour que la parole puisse se libérer", indique Vanessa Khalfa, responsable de la Ligue féminine de handball.

"Les mentalités sur le sport féminin évoluent, constate Manon Gravelle. Sans parler d'égalité, je trouve que ce serait bien que ces sujets ne soient pas un tabou. Ce n'est pas grave, c'est ok, on peut parler de ça ouvertement, sans que les gens ne soient gênés, c'est juste naturel". "Ça avance, dans le bon sens, je ne pense pas que ça s'arrête ou que ça régresse. On est une génération qui a la volonté de briser certains tabous, et certaines barrières", confirme Manuella Dos Reis, 23 ans, évoquant l'importance de transmettre le message aux plus jeunes.

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